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« La recherche n’a pas assez pris en compte les femmes dans les essais cliniques »

Extrait de ETS.CH, La Matinale
Les hommes et les femmes ne sont pas égaux face à la maladie ou face aux soins qu’ils reçoivent. Le domaine de la recherche médicale a mis du temps à s’en rendre compte, explique lundi dans La Matinale Carole Clair, spécialiste du genre en médecine. Mais les choses évoluent.

Le domaine de la recherche médicale a pendant longtemps privilégié les hommes dans les essais cliniques de beaucoup de traitements. Mais « les femmes ne sont pas juste des hommes un peu plus petits et plus légers », insiste Carole Clair, médecin et coresponsable de l’unité Santé et genre à Unisanté. Si cela peut paraître évident aujourd’hui, les choses tardent à évoluer, notamment en Suisse.

« On s’est rendu compte que c’était problématique pour certaines maladies. On a réalisé que les observations faites sur l’efficacité de certains médicaments, sur leurs risques ou leurs effets secondaires, n’étaient par exemple pas toujours applicables aux femmes. C’est pourquoi on a dû rétablir ce déficit de connaissances en exigeant l’inclusion des femmes dans la recherche », explique dans La Matinale cette spécialiste de la question du genre dans la prise en charge médicale.

Au-delà des stéréotypes

Ce changement de paradigme s’est d’abord mis en place aux Etats-Unis, puis en Europe. « Mais ce n’est hélas toujours pas le cas en Suisse », déplore Carole Clair.

Dès lors, concernant la dose de certains médicaments par exemple, la taille et le poids d’une femme ne doivent pas être les seules données à être prises en compte par le médecin. Selon elle, les différences de genre vont bien au-delà de ces stéréotypes simplistes.

« La répartition des graisses joue également un rôle important dans le métabolisme des médicaments. Parfois, il faudra même donner davantage de traitements aux femmes qu’aux hommes, car justement elles métabolisent plus rapidement certaines molécules. »

C’est pourquoi il est primordial, selon la spécialiste, d’étudier de plus près le mécanisme de ces médicaments, en incluant les femmes dans la recherche. Tout comme les personnes plus âgées ou les personnes d’autres ethnicités, poursuit-elle.

L’exemple des maladies cardio-vasculaires

Ces inégalités ne se traduisent pas uniquement dans les traitements médicaux prescrits aux femmes. Certaines maladies peuvent également pâtir de ces biais de genre. Les maladies cardio-vasculaires en sont l’exemple le plus connu et le plus étudié, souligne Carole Clair.

« On sait qu’une femme qui a un infarctus a plus de risque de décéder, en particulier si elle a moins de 65 ans. Les raisons qui l’expliquent sont multiples, mais on sait qu’une femme qui aura des douleurs thoraciques va être diagnostiquée un peu plus tardivement. Notamment parce qu’on a de la peine à se représenter ce genre de douleurs chez une femme comme étant quelque chose qui vient des maladies cardio-vasculaires. »

Sans compter les symptômes qui peuvent parfois varier selon le genre du ou de la patiente. Ainsi, pour reprendre l’exemple de l’infarctus, le fameux bras gauche qui peut faire souffrir est un signe avant-coureur moins fréquent chez la femme, illustre la spécialiste.

Le rôle important de la politique

Afin de corriger ces biais de genre dans la médecine, la politique a un rôle primordial à jouer, assure Carole Clair.

« La politique va pouvoir faire en sorte qu’il y ait des directives plus claires. En Suisse par exemple, quand on soumet un projet de recherche, il n’y a pas encore d’exigences pour inclure des échantillons mixtes. La politique va donc pouvoir jouer un rôle, en tout cas pour inciter à ce qu’il y ait davantage de réglementations à ce niveau-là. Mais ce n’est pas l’unique moyen, il faut aussi sensibiliser les soignantes et les soignants, ainsi que la population. »

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