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Convaincre les médecins et les hôpitaux, un défi pour les entreprises de l’e-santé

Ticpharma

Les entreprises de l’e-santé ont de grandes difficultés à faire adopter leurs solutions par les établissements de santé, et encore plus par les médecins, selon des intervenants de deux tables rondes au salon MedFIT, qui s’est tenu à Strasbourg mi-octobre.

Le « premier challenge » consiste à « convaincre les médecins de la valeur de la solution », et donc de les inciter à la prescrire, a partagé Charles-Eric Winandy, cofondateur de l’application de télé-rééducation MoveUP.

Aujourd’hui, « aucune thérapie numérique [DTx] n’a réussi à convaincre une masse critique » de médecins. Pour MoveUP, seulement « 10% à 15% » l’ont été, et la société a choisi de concentrer ses efforts sur les médecins les plus sensibles à l’innovation.

« Notre plus grand concurrent aujourd’hui est le statu quo et le standard of care. »

Les pouvoirs publics « réfléchissent au financement des technologies mais pas à leur implémentation dans la pratique », a-t-il déploré. De ce point de vue, la concurrence d’autres sociétés a l’avantage de sensibiliser davantage les médecins.

Si les Etats soutiennent le développement de l’e-santé, notamment la France avec la prise en charge anticipée (Peca) des dispositifs médicaux (DM) numériques et l’Allemagne avec le système DiGA (Digitale Gesundheitsanwendung), « il reste un travail politique à faire pour que les médecins prescrivent », a appuyé Samantha Jérusalmy, « partner » dans le fonds d’investissement Elaia. Outre-Rhin, « le DiGA est peu utilisé car les médecins ne sont pas incités à prescrire ».

Le remboursement « doit être visé du point de vue du prescripteur, et non pas du patient, pour anticiper les lourdeurs administratives qui bloquent la prescription », a fait valoir Charles-Eric Winandy.

Quand MoveUP a obtenu une prise en charge complète en Belgique, le nombre de patients a diminué « à cause de la complexité du système » de prescription. Les médecins ont aussi continué à utiliser le code préexistant, qui ne permettait qu’une prise en charge partielle car son utilisation était plus facile.

Pour éviter cet écueil, la société « approche les marchés avec des codes [de remboursement] déjà existants et essaie d’adapter le produit aux codes », également car le processus de création est très long en France, en Belgique comme en Allemagne.

Certains fonds d’investissement vont jusqu’à déconseiller aux start-up de candidater à ce système de remboursement, a indiqué Pim Hollestelle, analyste pour le fonds néerlandais Lumo Labs.

« Toutes les solutions e-santé sont aussi fortes que leur maillon faible », a résumé Katarzyna Markiewicz-Barreaux, « market intelligence lead » chez Philips. « Quand la solution se concentre sur le patient, le médecin a tendance à être oublié or c’est lui qui prescrit. » L’oublier revient à se tirer une balle dans le pied car la crise Covid a montré que les professionnels de santé sont prêts à utiliser l’e-santé.

Après une période d’euphorie pendant la pandémie avec de nombreuses applications aux promesses importantes qui n’ont pas réussi à apporter de preuves, les propositions se font moins impressionnantes et plus concrètes. « On parle de plus en plus d’applications qui apportent des solutions fluides d’utilisation, sans couture, aux patients et aux médecins. »

Pour être adoptées, les applications doivent « apporter un bénéfice pour toutes les parties prenantes », patients, médecins et le cas échéant établissements, a abondé Dorothée Moisy-Gouarin, directrice de l’innovation du groupe Elsan.

Avec la multiplication des outils numériques, il devient difficile pour les médecins de savoir quels outils sont pertinents et quand, a-t-elle ajouté. La direction de l’innovation du groupe de cliniques « essaie de les aider ».

Pour vendre aux médecins et hôpitaux, « il faut leur faire économiser quelque chose: du temps ou, encore mieux, de l’argent », selon Samantha Jérusalmy d’Elaia.

Le fonds « n’investit pas dans des solutions à destination des médecins car ils ne sont pas prêts à payer et sont réfractaires au changement ». Elle déplore qu’il soit « difficile d’embarquer les hôpitaux car ils n’ont pas d’argent ».

« Apporter une solution utile aux patients n’est pas suffisant pour un hôpital: il faut leur faire économiser du temps ou de l’argent », a insisté Pim Hollestelle de Lumo Labs.

Si les hôpitaux et les médecins n’offrent pas les meilleurs débouchés, les modèles d’affaires s’adressant directement aux entreprises et non pas aux patients semblent être les plus viables pour la e-santé, ont par ailleurs constaté plusieurs participants à une table ronde.

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