Les plateformes de téléconsultation d’accord sur le principe d’une « taxe lapin », moins sur les modalités d’application
Tic Santé
PARIS (TICsanté) – Si les plateformes de rendez-vous en ligne sont globalement d’accord sur le principe d’instaurer une pénalité financière en cas de rendez-vous non honoré d’un patient, leur avis diverge sur les modalités de sa mise en œuvre, a constaté APMnews/TICsanté auprès de plusieurs de ces plateformes.
Une pénalité financière oui, mais comment la mettre en œuvre? C’est sur cette question que devraient à présent tabler les plateformes, après que le premier ministre, Gabriel Attal, a confirmé l’instauration d’une sanction financière de 5 euros déclenchable par le médecin pour tout rendez-vous non honoré par un patient sans délai de prévenance.
Contactées par APMnews/TICsanté, les plateformes Doctolib, Qare et Maiia, ont exprimé leur accord de principe sur l’instauration d’une telle pénalité à la charge du patient. Les modalités de sa mise en œuvre ne font toutefois pas encore consensus.
Interrogé sur France Inter le 10 avril, le cofondateur et directeur général de la plateforme Doctolib, Stanislas Niox-Chateau, s’est exprimé sur le sujet.
S’il s’est dit « favorable » à l’instauration d’une pénalité financière, et s’il a rappelé « l’engagement de l’entreprise dans la lutte contre les rendez-vous non honorés depuis 2013 », il s’est opposé à ce que Doctolib impose à chaque patient de renseigner son empreinte bancaire avant chaque consultation.
« Il ne faut pas créer un fardeau administratif nouveau pour les soignants et créer une situation d’inégalité dans l’accès aux soins », a-t-il noté pointant que « 20% des patients [sont] en situation d’illectronisme et 5% n’ont pas de carte bancaire ». Ainsi « il est impensable d’entraver l’accès aux soins pour eux », a-t-il assuré.
Concernant les praticiens n’ayant pas recours à des plateformes en ligne, le constat est le même. « C’est inimaginable d’envisager que les secrétariats enregistrent les coordonnées bancaires », a estimé Stanislas Niox-Chateau, appelant plutôt les médecins à « garder la main ».
Une prise de position qui a poussé le ministère de la santé à préciser ses intentions. « C’est le médecin qui fera le choix de demander l’empreinte bancaire au patient qui prend rendez-vous, et qui ensuite aura le choix de déclencher ou pas cette pénalité », a répondu le ministre délégué chargé de la santé et à la prévention, Frédéric Valletoux, invité de Sud Radio le 11 avril.
Contacté par APMnews/TICsanté le 12 avril, Doctolib a confirmé avoir été rassuré par les précisions du ministère.
« Les rendez-vous non honorés sont un sujet sur lesquels nous sommes experts et nous allons contribuer aux réflexions en cours au même titre que tous les autres acteurs de l’écosystème », a noté le groupe.
Relation exclusive médecin-patient
Le même jour auprès d’APMnews/TICsanté, Benoît Garibal, directeur général de la plateforme de prise de rendez-vous et de téléconsultations Maiia, n’a exprimé aucune opposition de principe sur la pénalité, ni sur l’enregistrement d’empreintes bancaires.
« On n’a pas de position dogmatique sur le sujet », a-t-il estimé. « Ce sujet ne pose selon moi pas de débat tant que cette fonctionnalité reste optionnelle, aussi bien pour le patient que pour le médecin et tant que l’on reste dans une relation exclusive médecin-patient », a-t-il développé.
« Toute la complexité technique sera alors de s’assurer de la sécurité transactionnelle privée », a-t-il poursuivi.
S’il s’est dit convaincu que l’ouverture d’un tel service ne poserait techniquement « aucun problème pour la plateforme [qui] héberge déjà des empreintes bancaires dans le cadre de la téléconsultation », il est resté sceptique sur le fait que ce système « prenne à grande échelle ».
« Il y a déjà une communauté de médecins qui est contre ce système et nous avons déjà beaucoup de choses qui sont mises en place pour lutter contre les rendez-vous non honorés (rappel de rendez-vous, communication proactive ou ouverture de créneaux de téléconsultation immédiats pour compenser le créneau annulé) », a-t-il énuméré.
Plus généralement, il a appelé à de « nouvelles études » pour mieux quantifier le phénomène. « Le chiffre de 27 millions de rendez-vous n’est pas un chiffre fiable car il résulte notamment d’une projection arithmétique et ne porte que sur des données issues de l’Ile-de-France », a-t-il souligné.
Repris de nombreuses fois notamment par les politiques, ce chiffre est issu d’une étude de l’union régionale des professionnels de santé URPS Ile-de-France, publiée en juillet 2022.
Tout comme son concurrent, Benoît Garibal a rappelé qu’un tel sujet n’impliquait pas que les plateformes en ligne, mais plus généralement « tous les rendez-vous pris auprès des médecins libéraux ».
« Aujourd’hui, on a moins de 50% des médecins qui ont une plateforme en ligne », a-t-il rappelé. « Les plateformes ont un rôle essentiel, mais en fait il faudra qu’on trouve aussi une solution pour ceux pour qui la prise de rendez-vous se fait autrement », a-t-il estimé.
Dans un nouvel entretien accordé à la Tribune dimanche, Frédéric Valletoux a assuré que les empreintes bancaires pourront également être demandées par les secrétariats médicaux, au moyen des logiciels des cabinets médicaux ».
Chez Qare, une pénalité de 10 euros
Interrogée le 15 avril, la plateforme Qare a également confirmé son adhésion à la « taxe lapin ».
« Nous considérons que toute mesure qui permet de dégager du temps médical supplémentaire est une bonne mesure. Nous sommes donc favorables à ce genre de propositions », a déclaré son directeur général, Olivier Thierry.
Cette plateforme a déjà mis en place un système de pénalité financière de 10 € dans l’hypothèse où le patient n’honore pas un rendez-vous alors qu’il peut prévenir « jusqu’au dernier moment », rappelle-t-on.
Une somme deux fois supérieure à celle proposée par Gabriel Attal: »10 € c’est un montant suffisamment dissuasif pour se rappeler qu’il faut annuler un rendez-vous et qui est également suffisamment bas pour qu’il ne soit pas punitif », a justifié le directeur général du groupe.
Assimilée à « des frais de gestion », cette pénalité est récupérée par la plateforme en cas de rendez-vous non honoré grâce à l’empreinte bancaire fournie par le patient, « avant chaque consultation », a-t-il ajouté.
Faute d’empreinte bancaire, aucune sanction n’est appliquée. Ainsi les patients titulaires de la complémentaire santé solidaire (CSS) « ne sont pas soumis à cette pénalité », a-t-il précisé.
Pour les autres, la mise en œuvre d’une telle pénalité n’est pas systématique », et demeure « avant tout à la discrétion du médecin », a-t-il conclu.
Qare est une plateforme de consultation en ligne, permettant notamment des consultations sans rendez-vous. Elle dénombre aujourd’hui « près de 200.000 téléconsultations par mois », a précisé Olivier Thierry.
De son côté, la plateforme Maiia compte « 4 millions de rendez-vous par mois et 25.000 professionnels de santé », selon son directeur général.