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L’Espace européen des données de santé adopté à Bruxelles, son entrée en vigueur prévue pour l’automne

Ticpharma

BRUXELLES, PARIS (TICpharma) – Les députés européens ont adopté le 24 avril le règlement pour la création d’un Espace européen des données de santé (EEDS) ou European Health Data Space (EHDS), dont la promulgation devrait avoir lieu « à l’automne prochain », a fait savoir la délégation au numérique en santé (DNS) le 25 avril, lors d’une conférence de presse.

Point de jonction entre « l’Europe de la santé » et « l’Europe du numérique », la proposition d’EEDS a été présentée en mai 2022 à Bruxelles, sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne (UE). Il vise à favoriser un véritable marché unique des produits et services de santé numériques et à apporter un cadre cohérent, fiable et efficace pour l’utilisation des données de santé, rappelle-t-on.

Le 24 avril, les députés ont voté en faveur de l’accord interinstitutionnel sur la création de l’EEDS par 445 voix pour, 142 contre et 39 abstentions.

Dans un post LinkedIn, Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, a salué une « grande avancée pour le numérique en santé à l’échelle européenne ». « La France a été pionnière dans la négociation de ce texte et le sera également pour sa mise en œuvre dans les prochains mois! », a-t-il promis.

Le 25 avril lors d’une conférence de presse organisée par la DNS, Fulvia Raffaelli, cheffe de l’unité « santé digitale » au sein de la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne, s’est également félicitée de l’adoption du règlement.

Elle a souligné qu’il vise à renforcer la souveraineté numérique de l’Europe et à établir des normes européennes pour les données. « Cette stratégie est ancrée dans un cadre plus large, connu sous le nom de ‘Décennie numérique européenne' », a-t-elle également rappelé.

« L’objectif principal est de permettre un partage plus efficace des données de santé entre les pays de l’UE, tout en protégeant les droits des citoyens. Le projet vise à renforcer la prise en charge transfrontalière des patients par les professionnels de la santé et le cadre établit également des normes pour le traitement des données de santé, assurant ainsi la protection des droits et la sécurité des données personnelles », a-t-elle expliqué.

Concrètement, cet espace permettra aux patients d’accéder à leurs données de santé sous forme électronique, y compris depuis un Etat membre où ils ne résident pas, et permettra aux professionnels de la santé de consulter les dossiers de leurs patients avec leur consentement (usage primaire), également depuis d’autres pays de l’UE.

« A moyen terme, le règlement prévoit également la possibilité de se connecter pour des pays et organisations basées hors de l’UE, dans des conditions de sécurité et de protection des données garanties », a ajouté la DNS dans un communiqué de presse diffusé le 25 avril.

Les dossiers de santé électroniques (DSE) comprendront les dossiers des patients, les ordonnances électroniques, l’imagerie médicale et les résultats de laboratoire.

Les données de santé pourront être transférées de façon sécurisée aux professionnels de santé d’autres pays de l’UE (par le biais de la plateforme MaSanté@EU ou MyHealth@EU), par exemple lorsque des citoyens s’installent dans un autre Etat membre. Il sera possible de télécharger les dossiers de santé gratuitement.

Des « bénéfices » sont aussi attendus pour les chercheurs et les innovateurs, « qui pourront exploiter ces données dans un environnement sécurisé pour développer de nouvelles solutions médicales et pharmaceutiques », a fait valoir Fulvia Raffaelli. « Les entreprises et les industriels profiteront d’un marché unique pour les technologies de santé, stimulant l’innovation et la croissance économique », a-t-elle complété.

Vers un nouveau cadre de gouvernance européen et national

Le règlement entrera officiellement en vigueur 20 jours après sa publication au Journal officiel de l’UE après « quelques ajustements techniques, probablement à l’automne », a fait savoir Emilie Passemard, responsable du pôle régulation et conformité à la DNS.

Son entrée en application s’étalera au cours des « deux à six prochaines années et nécessitera des adaptations de la réglementation en vigueur en France, en particulier pour ce qui concerne la réutilisation des données de santé [usage secondaire] ».

La DNS est chargée de coordonner l’application du règlement en France et « associera les acteurs de l’écosystème du numérique en santé », a fait savoir Hela Ghariani, déléguée au numérique en santé le 25 avril, faisant valoir la démarche de « coconstruction » portée par la direction ministérielle.

« La confirmation du règlement par le Parlement européen a été un grand pas en avant, bien qu’il reste encore des étapes techniques, comme la traduction dans toutes les langues officielles de l’UE. Une fois cette étape franchie, le processus de mise en œuvre technique commencera, avec un délai de deux ans pour préparer les bases opérationnelles et techniques nécessaires à l’application du règlement. Enfin, nous aurons une période de préparation pour la mise en œuvre obligatoire des mécanismes d’échange de données. Le cadre actuel permet une transition en douceur, avec un certain degré de souplesse, ce qui facilitera l’adaptation aux niveaux national et européen », a détaillé la coresponsable de la DNS.

« Pour la France, le travail a déjà commencé, y compris l’étude d’impact visant à comprendre comment ce nouveau règlement européen affectera les règles nationales », a-t-elle ajouté.

Emilie Passemard et Hela Ghariani ont également présenté l’organisation du futur cadre de gouvernance européen et national pour le numérique en santé.

« Il existe déjà un réseau de gouvernance, appelé eHealth Network [coprésidé par la France, ndlr], qui sera remplacé par le comité de l’EEDS en vertu du nouveau règlement. Le comité sera composé des représentants des Etats membres et sera coprésidé par un représentant de la Commission européenne et un représentant des Etats membres, reflétant la structure de gouvernance actuelle », a expliqué Hela Ghariani.

« Il y a un élément important de ce nouveau comité: un forum de toutes les parties prenantes de l’écosystème de la santé numérique incluant des représentants des patients, des professionnels de santé, des industriels, et des chercheurs. Il permettra d’intégrer au niveau européen toutes les parties prenantes pour créer une approche plus inclusive », a-t-elle complété.

En outre, la création d’un rôle de régulateur dans chaque Etat membre -responsable de l’accès aux données et chargé de contrôler les conditions de réutilisation des données de santé-, est également prévue.

« Ses missions recoupent partiellement celles actuellement assurées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés [Cnil], le Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé [Cesrees] et le Health Data Hub [HDH, ou plateforme des données de santé] en France », a noté Emilie Passemard. Le HDH sera d’ailleurs chargé de coordonner son action.

Ses missions seront d' »instruire et délivrer les autorisations d’accès aux données »; « de préparer les données (pseudonymisation) et les mettre à disposition dans un environnement de traitement sécurisé »; « d’informer les personnes concernées de leurs droits (portail de transparence) » et « de contrôler l’application du chapitre 4 [portant sur l’utilisation secondaire des données de santé, ndlr] ».

Etat des lieux de l’EEDS aujourd’hui

Dans les faits, l’EEDS est déjà une réalité.

Pour rappel, un consortium mené par le HDH a été sélectionné en juillet 2022 par la Commission européenne pour construire un projet pilote de l’EEDS.

La Commission européenne a retenu la candidature française, soumise en février 2023 par le HDH, à l’appel à financement et le consortium français a ainsi décroché 4,6 millions d’euros, dont 1,3 million d’euros pour le HDH et 3,3 millions d’euros pour les membres du consortium, rappelle-t-on également.

Isabelle Zablit, directrice de projets Europe & International à la DNS, a précisé le 25 avril les points de l’EEDS déjà avancés.

« Les mécanismes d’accès transfrontières aux données de santé, rendus obligatoires par le règlement EEDS, sont déjà partiellement opérationnels avec 13 Etats membres engagés dans le partage du volet de synthèse médicale et l’e-prescription », a-t-elle expliqué.

La connexion de l’ensemble des pays de l’UE, ainsi que la Norvège, l’Islande et l’Ukraine est aussi prévue à horizon « fin 2030 ».

La France a ouvert et connecté son point de contact national (National Contact Point for eHealth ou NCPeH), opéré par l’Agence du numérique en santé (ANS) en 2021, a aussi souligné la directrice de projets de la DNS.

Les professionnels de santé français peuvent déjà accéder via le web service Sesali.fr (service européen de santé en ligne) au volet de synthèse médicale des patients provenant de huit pays de l’UE connectés, avec le consentement du patient.

Il s’agit de la Croatie, l’Espagne, l’Estonie, le Luxembourg, Malte, le Portugal, la République tchèque et la Lettonie.

« Dès 2025, trois pays supplémentaires seront connectés: la Grèce, Chypre et l’Irlande. Dès 2026, deux cas d’usages supplémentaires seront déployés: dispensation des médicaments aux personnes munies d’une prescription européenne dans les officines françaises et utilisation de la prescription française dans les officines des autres pays de l’UE connectés », a-t-on également appris.

Interrogée sur les financements de l’EEDS, Fulvia Raffaelli a confirmé les 800 millions d’euros déjà annoncés en 2022. « L’UE fonctionne par cycle de programmation financière donc tout cela est prévu jusqu’à 2027 », a-t-elle noté.

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